Audrey Pelee De Saint Maurice

Titre de la Thèse: Les femmes de pouvoir en Val de Loire, 1422-1524

Date de début de la thèse: 2014

Date de soutenance: Mercredi, 30 Juin, 2021

Directeur (trice): Benoist Pierre - François Olivier Touati

Discipline: Histoire

Résumé: 

Lorsque l’on évoque l’histoire politique du Val de Loire, on cite volontiers des rois et des lieux : Charles VII et Bourges, Charles VIII et Amboise, Louis XI et Blois, et surtout François Ier et Chambord. Pourtant cette histoire est aussi bien le produit d’hommes que de femmes. L’un des lieux et des moments « féminins » les plus connus est sans nul doute le célèbre château des Dames à Chenonceau, à travers le conflit entre Diane de Poitiers et Catherine de Médicis au XVIe siècle. Mais c’est oublier les autres femmes de pouvoir qui les ont précédées à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance. Notre projet vise justement à étudier les femmes de pouvoir en Val de Loire entre 1422 et 1524. En effet, à partir de Charles VII, le Val de Loire devient pendant près d’un siècle le séjour des rois. C’est cette décentralisation du pouvoir qui borne nos cadres chronologiques et géographiques. La présence de la cour dans cet espace n’est pas pour autant un gage de stabilité et de fixation pour les serviteurs du roi. Les nombreuses batailles françaises et italiennes ainsi que les différentes fonctions qu’ils remplissent obligent ces hommes d’État à parcourir le royaume, à conquérir d’autres territoires et à suivre leur monarque. Ils laissent le plus souvent derrière eux, une famille, un château, des terres, des serviteurs, des biens, toute une seigneurie à administrer, dont la gestion incombe alors dans la plupart des cas à des épouses ou des mères esseulées. Si en théorie, les femmes sont dès l’époque médiévale exclues de l’exercice du pouvoir étatique en France, elles exercent une autorité et ont la capacité à influer sur les décisions. Dans l’introduction du Royaume de Fémynie. Pouvoir, contraintes, espace de liberté des femmes de la Renaissance à la Fronde, il est rappelé que le pouvoir « peut être d’abord, au sens le plus simple, le pouvoir de faire, - la capacité à créer, à s’exprimer, à exister (..) ». Et de rajouter quelques lignes plus loin que « le pouvoir de faire peut aussi s’exercer à plus vaste échelle : sur un autre, sur les autres, sur l’État. » Le pouvoir n’est plus alors assimilé à la seule autorité publique. Dans ce contexte, le pouvoir (d’actions, de paroles) n’apparaît plus comme l’apanage réservé aux femmes de la lignée royale. Ce ne sont donc plus seulement les attributs classiques du pouvoir (Regalia, sacres, entrées) qui seront étudiés, mais tous les signes qui rendent compte pour des femmes de « leur capacité à agir, influencer le cours des événements et atteindre des buts », si l’on reprend l’expression de Sylvie Joye dans Les Élites féminines au haut Moyen Âge. Historiographie. Ce projet de recherche souhaite dans un premier temps définir ce qu’est une femme de pouvoir pour leurs contemporain(e)s à travers des chroniques, poèmes ou autres écrits. D’ailleurs est-il possible qu’une telle femme existe ? N’est-il pas le seul produit d’un imaginaire ou l’imaginaire se nourrit-il d’une part de réalité ? Pour ce faire, il faudra s’interroger sur la façon d’acquérir du pouvoir et de distinguer ces femmes de leurs contemporaines par l’analyse des prérogatives et devoirs dus à leur rang : naît-on femme de pouvoir ou le devient-on ? Pour le déterminer, il est nécessaire de prendre en compte la parenté, les alliances et les transferts patrimoniaux qui font que tout individu quel que soit son sexe, possède un capital économique, social et symbolique (Bourdieu). C’est donc la propre situation des femmes qui définira la nature même de leur pouvoir, le périmètre et les limites de leurs attributions, la pluralité de leurs rôles et de leurs influences. On peut parfois être étonné de l’effacement de prime abord, de certaines reines comme Charlotte de Savoie, perçues par l’historiographie comme des femmes isolées et sans envergure. A contrario, l’étonnement est aussi grand, lorsque l’on évoque ces femmes comme Yolande d’Aragon, qui dirigent, bâtissent autour d’elles de véritables ensembles monumentaux. C’est pourquoi en proposant de savoir ce qu’être une femme de pouvoir à cette époque, cette recherche ne se contente pas d’étudier les reines, mais de prendre aussi en compte des femmes issues de la noblesse. En effet, l’existence d’une hiérarchie au sein de cette élite féminine sous-entend que le poids et l’étendue géographique de leur pouvoir diffère. Dans cette phase, l’étude se propose d’observer et d’analyser la vie quotidienne de ces dames pour appréhender le pouvoir en lui-même. Est-ce un pouvoir symbolique ou concret ? Existe-t-il différents pouvoirs et de quelles manières s’expriment-ils et dans quel cadre, sphère public ou privé, s’affirment-ils ? Les sources aléatoires et discontinues, selon les cas, permettent à cette étude de sortir du cadre des femmes d’exception et de ne pas se limiter à une seule figure féminine. Si la diversité des sources (actes de chancellerie royale, ducale, testaments, comptes, inventaires, correspondances, œuvres littéraires ou artistiques) peut apparaître comme un obstacle méthodologique, elle permet aussi de pallier le caractère aléatoire de ces mêmes sources et de proposer, à partir de l’analyse comparée de ces fragments de vie quotidienne, des types de parcours. De plus, si certaines sources sont géographiquement éparpillées entre Paris et le Val de Loire et ont déjà fait l’objet d’études ponctuelles, d’autres n’ont pas retenu l’attention et apparaissent inédites. Utiliser ces sources originales permettra de rendre compte de l’écart entre la définition et la représentation des femmes de pouvoir et la réalité de leur statut et de leurs actions.