Amaury Fleges

Titre de la Thèse: Les tombeaux littéraires en France à la Renaissance

Date de début de la thèse: 1990

Date de soutenance: Lundi, 13 Mars, 2000

Directeur (trice): Michel Simonin

Résumé: 

La centaine de Tombeaux littéraires, ou recueils collectifs de poésie funéraire, publiés entre 1531 et 1589, reflète une des pratiques sociales et littéraires les plus originales de la Renaissance française. Produits de la crise de l’institution catholique, dont l’appareil sotériologique ne suffit plus à rassurer les hommes face à la mort, et des guerres civiles, qui incitent le pouvoir monarchique et les classes dirigeantes (élites aristocratiques soucieuses de réaffirmer leurs valeurs et milieux parlementaires en pleine ascension sociale et politique) à produire les marques symboliques d’une légitimité parfois contestée, ils témoignent de la formation d’un champ littéraire dont les membres, en élaborant de nouvelles formes de gestion de la mort fondées sur l’espoir d’une survie dans la mémoire collective, cherchent à obtenir la reconnaissance du pouvoir en tant que professionnels de l’écriture dotés d’une compétence et bénéficiant d’un statut propres.
Le présent travail comprend deux parties : une bibliographie générale de la poésie funéraire au cours de la période (ouvrages collectifs, plaquettes individuelles et pièces diverses figurant dans les œuvres de tel ou tel auteur, ou jointes à des ouvrages non commémoratifs) et une étude centrée sur les seuls recueils collectifs, dont elle vise à dégager les principaux enjeux à partir d’une analyse détaillée de quelques-uns d’entre eux. Il envisage successivement :
- Le développement de la poésie funéraire comme pratique sociale. L’examen des pièces publiées sur la mort d’Adrien Turnèbe (1565) sert de point de départ à une brève analyse de la production, diffusion et réception d’un genre occupant une large place dans la vie publique et littéraire. L’enjeu politique des Tombeaux explique en partie leur popularité. Largement codifiés, voire conventionnels, il n’en sont pas moins traversés par les tensions, rivalités et conflits internes au corps social. Les ouvrages d’apparat visant à satisfaire le désir d’absolu du pouvoir et à célébrer l’idéologie officielle y côtoient des recueils ou des pièces reflétant plus ou moins directement l’état de l’opinion. La nature et l’ampleur du corpus à la mémoire de chaque défunt témoigne de son rang social, de son influence politique ou de son autorité littéraire. Inscrit dans le prolongement des funérailles, il est relayé par divers supports : monuments funéraires, placards affichés dans les lieux publics, manuscrits conservés dans des archives familiales ou circulant sous le manteau à des fins de propagande politique ou religieuse, imprimés enfin, parmi lesquels figurent toutes sortes d’ouvrages : épitaphes isolées publiées dans les œuvres de leurs auteurs respectifs, plaquettes hâtivement composées, Tombeaux collectifs rassemblant un petit nombre ou plusieurs dizaines d’auteurs.
- L’apparition au cours des années 1530 et le développement à partir de 1550 des recueils collectifs. L’histoire du Tombeau poétique recoupe en l’éclairant l’évolution de la culture et de la société contemporaines, depuis les espoirs mis par Dolet dans les pouvoirs de l’écriture et la capacité du poète à remplir auprès du pouvoir la fonction de conseiller spécialisé dans la production de l’image et la gestion de la symbolique royales (fonction à laquelle le désigne son aptitude à immortaliser la personne du souverain), jusqu’à la relative désaffection du public à l’égard d’un genre sur lequel rejaillit le discrédit frappant sous le règne d’Henri III l’institution monarchique. La diversité des ouvrages et le caractère non systématique de leur production posent la question des conditions nécessaires à la publication d’un Tombeau collectif. Nous avons tenté d’y répondre en nous appuyant sur une brève typologie de leurs auteurs, bénéficiaires et formes concrètes, éditoriales (recueils séparés ou joints à d’autres ouvrages, oraisons funèbres, œuvres du défunt ou de l’un des contributeurs, chroniques, etc.) et linguistiques.