David Larre

Titre de la Thèse: Les Conceptions philosophiques de l'altérité de Boèce à Nicolas de Cues

Date de début de la thèse: 2000

Date de soutenance: Mardi, 22 Novembre, 2005

Directeur (trice): Joël Biard

Résumé: 

Le présent travail se propose de réévaluer la métaphysique de Nicolas de Cues (1401-1464) à l’aune du paradigme néoplatonicien (la prégnance d’un principe d’être et de connaissance unique, défini comme suressentiel et absolu) qui semble la structurer de l’intérieur, pour éprouver la dépendance de la pensée du Cusain envers ce paradigme : si Dieu est bien, au regard de l’auteur, ce principe suréminent, qui fonde l’être de tout mais ne peut être connu, alors il ne saurait être désigné que de façon négative, comme l’unité inaccessible diffractée par la multiplicité des existences. Cette multiplicité apparaît alors comme l’altérité face à laquelle Dieu ne peut lui-même se définir, et encore de façon approchée, que comme le Même ou le Non-autre. La question se pose alors de savoir si on peut, dans le respect de la cohérence de la pensée cusaine, à la fois penser, définir et donner une raison d’être propre à l’altérité ainsi posée, ou si on doit la considérer comme pure « négativité » (ici, insuffisance ontologique). Si l’usage proprement apophatique de la négation pose Dieu comme pure indifférenciation, unité absolue, stable et suffisante, de qui toute la multiplicité des créatures reçoit d’être ce qu’elle est, la négation fonctionne aussi elle-même comme critère distinctif permettant de poser l’autre face au même : penser l’altérité, c’est alors tout autant éprouver la consistance du principe qui lui donne d’être elle-même, une car identique à soi, qu’éprouver l’indépendance de cette altérité à l’égard du principe. Alors, de deux choses l’une : soit, comme le suggère André de Muralt, la pensée du Cusain est tout entière réductible à une métaphysique de l’Un, qui ne voit l’altérité exister et se définir que dans la relation au même, selon sa capacité à se faire ressemblante au modèle, c’est-à-dire à s’unifier en, vers et par lui, soit, comme le pense Ernst Cassirer, on peut attribuer à l’altérité, spécifiquement à l’homme, et à sa faculté de connaître, une autonomie, une puissance distinctive, qui préfigure – d’une manière certes problématique – le positionnement cartésien d’un sujet pensant. Si, selon le commentateur allemand, la connaissance conjecturale (cf. De Conjecturis), imparfaite et perfectible dont l’homme est capable, lui donne, sur le plan de l’expérience, un pouvoir qui dégage son altérité du néant de la dissemblance, et si Nicolas de Cues, insistant sur cette dignité intellectuelle, amorce avant l’heure les débats qui animeront l’humanisme renaissant, alors peut-on sortir de l’opposition du même et de l’autre pour penser la singularité de l’existence humaine ? Auquel cas, Nicolas de Cues aurait accompli davantage qu’une habile synthèse des courants néoplatonisants contre l’héritage aristotélicien. Poursuivant ainsi une réflexion générale sur les rapports méthodologiques qui existent, dans son œuvre, entre les deux voies supposées de la connaissance, « théologie négative », et « théorie positive de l’expérience (sic) singulière », la recherche en cours s’efforcera de relire les sources de Nicolas de Cues à la lumière des commentaires qu’il en fait et d’examiner son propre travail. L’enjeu tient évidemment au dégagement de l’originalité de la pensée de l’auteur dans l’histoire de la métaphysique, et à la mise à l’épreuve de ses propositions philosophiques fondamentales.