Laurent Pinon

Titre de la Thèse: Les livres de zoologie de la Renaissance : Objets de mémoire et instruments d'observation (1460-1605)

Date de début de la thèse: 1993

Date de soutenance: Lundi, 24 Janvier, 2000

Directeur (trice): Gérald Chaix

Résumé: 

A la rencontre d’une histoire “ historienne ” des sciences et d’une histoire du livre sensible à la bibliographie matérielle, cette étude s’attache au discours sur les animaux dans les imprimés européens de la Renaissance, de l’époque des incunables aux premières années du XVIIe siècle. Son objectif initial était d’évaluer, à partir de l’exemple de la zoologie, l’impact de l’invention de l’imprimerie sur les pratiques savantes.
La thèse principale est la suivante : profondément humaniste, le discours sur les animaux se construit sur le socle des œuvres de l’Antiquité. Le livre est alors un instrument fondamental, outil de référence qui permet de scruter la Nature mais aussi lieu de consignation des observations, rendues transmissibles et cumulables. La standardisation des représentations et les nouvelles modalités de reconnaissance scientifique apparaissent intimement liées à la forme imprimée.
Une première partie présente les enjeux et les modalités concrètes de l’étude des animaux à la Renaissance. Elle aborde les discours des auteurs sur leurs pratiques, une réflexion sur les liens qui unissent ces auteurs, dispersés à travers l’Europe, et les lieux de la zoologie : voyages et lieux d’observation, cabinets d’histoire naturelle et bibliothèques.
Elle montre les enjeux de l’accès à la publication, réservé aux auteurs reconnus et soutenus par des mécènes. Outre le fait qu’il assure ainsi sa gloire, l’auteur qui publie reçoit plus d’information de la part de contributeurs éloignés, dont il s’engage à consigner les noms dans ses ouvrages.
La seconde partie, plus liée à l’histoire du livre, porte sur la fabrication des livres. La reconstitution des conditions d’impression de l’Ornithologie d’Ulisse Aldrovandi, montre un auteur soucieux de maîtriser le sens de son œuvre et utilisant ce livre comme instrument de médiation sociale, pour financer l’impression des suivants. Des exemples d’éditions de textes anciens et de livres dus à de pures initiatives éditoriales mettent en cause le schéma classique du partage des rôles entre auteur et éditeur. Intimement liée à des impératifs techniques et économiques, la matérialisation du livre dans l’atelier d’imprimerie apparaît comme une étape fondamentale de la construction du discours savant.
La troisième et dernière partie propose une analyse d’ensemble des livres sur les animaux, à partir d’un inventaire de 400 éditions donné en annexe. Tout en suivant dans une large mesure les transformations générales de l’imprimé, ces livres montrent aussi des évolutions propres, qui relèvent de logiques internes à ce corpus. Étape cruciale, la standardisation des nomenclatures rétablit le lien entre les noms antiques et les animaux modernes. Elle permet, dans un second temps, l’irruption des images, associées à des textes qui unissent savoirs anciens et données d’observation. L’efficacité de ces images ne relève pas du seul critère du naturalisme : elles représentent aussi des animaux inobservables comme la girafe ou la licorne. Leur mise en couleurs éventuelle relève à la fois d’un renforcement du contenu savant et d’une volonté de créer des exemplaires de distinction, à l’intention de patrons ou de mécènes potentiels.